Lorsque nous avons contacté les dirigeants du FC Bulle deux jours avant le match face à YB M21 pour une interview bilan de cette 1ère partie de saison, rien n’avait encore filtré. Le lendemain, un communiqué du club annonçait « la fin de sa collaboration avec Brian Weber, entraîneur de l’équipe première. » L’occasion pour FootFribourg de revenir avec le président Jorge Gomes sur les évènements des dernières semaines et de faire un état des lieux du foot fribourgeois.
Monsieur le co-président, tout d’abord bravo pour cette belle victoire face aux M21 d’YB. Pouvez-vous nous dire un mot sur ce match: comment l’avez-vous vécu ?
Disons que c’était un match un peu spécial. Les évènements de la semaine font que ce n’est pas facile de préparer un match sereinement. Mais j’ai senti l’équipe bien présente, même si le début était un peu plus compliqué que d’habitude. Nous sommes toutefois restés bien solides. YB a eu quelques occasions, sans toutefois nous mettre véritablement en danger. On a souffert, on a fait le dos rond et on a mieux fini ces 45 premières minutes avant de bien rentrer dans la 2ème mi-temps. Les changements opérés par le staff nous ont fait prendre le dessus et permis de finalement maîtriser ce match de belle manière.
Vous avez vous-même évoqué les évènements de la semaine, à savoir le licenciement de l’entraîneur Brian Weber en raison, selon votre communiqué, « de divergences internes au sein du vestiaire ». Comment l’équipe a vécu cette semaine particulière?
L’annonce s’est faite hier, mais les joueurs se sont déjà vus en interne mercredi. Nous les avons rencontrés jeudi, et Brian (Weber, ndlr) hier. On a demandé aux joueurs de rester très soudés durant ces moments, on leur a dit que ce serait le vestiaire qui gagnerait ensemble. Julien et Ekrem (les anciens assistants de Brian Weber, ndlr) ont repris l’équipe qu’ils connaissent très bien. Les joueurs nous ont montré, par leur réaction sur le terrain ce soir, que nous pouvons leur faire confiance dans leur souhait de se séparer de leur entraîneur et qu’ils sont là pour se battre pour le club. C’est ça le plus important !
Avec le départ de Maxime Afonso il y a quelques semaines et celui de Brian Weber hier, les suiveurs du FC Bulle et vos supporters se questionnent sur la gestion du club. La plupart des réactions lues sur les réseaux sociaux remettent en question ces choix. Que pouvez-vous leur dire pour les rassurer ?
Tout d’abord je tiens à le répéter: Maxime a souhaité partir. Ce n’est pas nous qui avons souhaité nous en séparer. Pour notre entraîneur, nous nous en sommes séparés, mais il y a eu des évènements que nous avons analysés, nous avons pesé ce qui était le plus important pour le club et pour son futur. Suite à cela nous avons pris, je pense, la meilleure décision. L’avenir nous le dira mais faites nous confiance ! C’est notre 3ème année en Promotion League, et durant les 15 dernières années le club n’a jamais été aussi bien sur le plan sportif. On travaille sur la durée, de manière posée, intelligente, avec une stratégie et une analyse. Ces évènements n’arrivent pas par hasard. Je le répète mais nous n’avons jamais été à ce niveau durant les 15 dernières années. C’est toujours dur lorsque nous entrons dans l’émotionnel comme pour ces deux situations particulières. Mais quand on est dans le management, on ne peut pas être dans l’émotionnel car sinon on n’avance pas. Faites nous confiance!
Revenons sur le terrain où paradoxalement tout est moins agité qu’en coulisses : il reste quatre matchs avant la trêve et le FC Bulle se retrouve bien placé dans le haut du classement (6ème avec 23 points après 15 journées, ndlr). Comment analysez-vous ce début de saison ?
Notre objectif au FC Bulle est de s’établir à moyen terme dans ce haut de tableau de la Promotion League. Evidemment que si nous pouvons aller chercher autre chose, nous irons le chercher. Mais il nous faudra des moyens et de l’appui. Mais aujourd’hui je suis content de l’homogénéité que je vois dans ce groupe. Tout ce qu’on a souffert la saison passée au 2ème tour semble payer aujourd’hui. Nous avons fait beaucoup de changements qui nous ont été reprochés mais qui étaient en prévision de cette saison. Il y a toujours dans nos décisions une planification et on récolte aujourd’hui les fruits de ces décisions ! On a les points qu’on mérite et on est à notre place. On demande aux joueurs d’aller match après match, sans leur imposer d’objectif. Mais bien évidemment, on aimerait être dans la 1ère moitié de classement à la fin de la saison pour valider le chemin effectué depuis 3-4 ans au FC Bulle.
Vous parlez d’aller chercher « autre chose ». Pouvez-vous imaginer qu’un club fribourgeois, et pourquoi pas le FC Bulle, s’établisse à moyen ou long terme au niveau de la Challenge League, voire mieux ?
Le FC Bulle a amené une nouvelle dimension sportive au foot fribourgeois et au canton depuis quelques années. Par contre il n’y a pas que l’aspect sportif pour faire fonctionner un club. Il y a toute une structure à mettre en place. Aujourd’hui on a déjà beaucoup évolué avec nos différents partenariats, notamment le Team AFF avec lequel on collabore beaucoup, où encore les autres clubs de la région qui croient en ce club phare qu’est le FC Bulle. Mais si vraiment Fribourg veut un club en Challenge League, il faudra se donner les moyens. Il faudra que le canton et ses acteurs importants soutiennent un projet sportif autre que celui de Fribourg-Gottéron. Sans cela ce sera très compliqué. J’aimerais juste rappeler qu’on est un des plus petit budget de la ligue. On fait des petits miracles et parfois les gens nous en demandent beaucoup. On est très critiqués mais, avec notre budget, peu de monde parviendrait à réaliser ce qu’on réalise aujourd’hui au FC Bulle sur le terrain.
Pour terminer comment analysez vous l’état du foot fribourgeois actuel, sans parler spécifiquement du FC Bulle, mais plutôt des ligues amateures ?
Il y a un énorme fossé entre les ligues amateures, même la 1ère ligue classic, et la Promotion League. Ce sont deux mondes différents. En Promotion League on entre déjà dans le monde semi-professionnel voire professionnel, avec des équipes comme celle qu’on a affronté ce soir qui s’entrainent deux fois par jour et qui débarquent en match avec des staffs de 15-20 personnes. On est dans une autre réalité, un autre football. On essaie de trouver des joueurs fribourgeois qui peuvent jouer chez nous, mais c’est compliqué. On a joué récemment contre la deuxième meilleure équipe du canton en match amical (FC Portalban/Gletterens qui milite en 1ère ligue, ndlr), on leur a mis quatre goals et ils ont traversé 4-5 fois le terrain seulement. Ceci dit, je respecte beaucoup les ligues amateures et j’aime collaborer avec ces clubs. En tant qu’acteur principal on a évidemment une relation à entretenir avec tous ces clubs, des discussions sont menées avec leurs dirigeants et on essaie de faire le mieux pour que ça fonctionne, pour donner la chance aux jeunes qui le méritent. Mais encore une fois ça reste très compliqué.
La solution serait d’avoir une équipe supplémentaire en 1ère ligue classic ou alors, et là je sais que tout le monde n’est pas d’accord avec moi, d’avoir une deuxième équipe du FC Bulle en 2ème ligue inter par exemple. On pourrait ainsi travailler bien différemment avec des jeunes talentueux qui pourraient monter en équipe première s’ils le méritent, ou avec des surnuméraires qui pourraient jouer en 2ème équipe pour rester dans le rythme. Mais la vision de nos dirigeants cantonaux n’est pas forcément d’avoir une bonne équipe de jeunes comme 2ème équipe du FC Bulle. On est une des seule équipe à ne pas avoir de M21 ou M23. Si on veut faire un pas en avant au niveau sportif à moyen terme, il faudra clairement y penser et songer à ne plus diviser pour mieux régner, mais plutôt collaborer tous ensembles.
Propos recueillis par Séb Mory
Photo: FC Bulle et Séb Mory