Axel Barbey est un jeune arbitre fribourgeois à en devenir. De son choix de prendre le sifflet à son statut de « candidat première ligue » en passant par ses moments forts sur le terrain, Axel Barbey nous livre ses expériences et les facettes du rôle crucial de directeur du jeu.
Bonjour Axel ! Pour commencer, pourrais-tu te présenter pour nos lectrices et lecteurs qui ne te connaîtraient pas déjà ?
Axel Barbey, 25 ans, passionné de football, j’occupe la fonction d’arbitre depuis 2016. J’arrive au terme de ma première saison de 1ère ligue en tant qu’arbitre central.
Au niveau professionnel, je suis conseiller à la Vaudoise Assurances après avoir fait un apprentissage d’employé de commerce avec maturité, déjà dans cette compagnie.
D’où te vient cette passion pour le ballon rond et quelle place occupe le football dans ta vie ?
Je viens d’une famille de footballeurs. Mon grand-père et six de ses frères arboraient les couleurs du FC La Tour/Le Pâquier en même temps. Mon père, son frère, les cousins, bref, tout le monde a suivi le chemin du ballon rond. Je suis un fervent suiveur de football, non-seulement régional mais aussi international. En occupant la fonction d’arbitre, de coach arbitre et simplement de supporter, le foot est omniprésent dans ma vie.
On croit savoir que tu as un passé de joueur. Quel a-t-il été et comment t’est venu cet intérêt pour l’arbitrage ? Et cette volonté de gravir les échelons ?
Comme dit plus haut, venant d’une famille de passionnés, il était logique que je chausse les crampons le plus vite possible, et ça a été chose faite dès 4 ou 5 ans et mes débuts à l’école de foot au FC Riaz. J’ai ensuite fait mes classes au Team La Gruyère, puis au Team AFF avant de revenir en Gruyère et de faire partie du projet de la deuxième équipe du FC Bulle. J’ai ensuite décidé de poser mes bagages à la Belle-Place du FC Gruyère-Lac pour terminer prématurément ma carrière de joueur. Je range définitivement les crampons le 16 juin 2019 à la suite d’une commotion cérébrale lors d’un match de finales de promotion, à 20 ans.
Je débute l’arbitrage en 2016, à ce moment-là, je joue pour les Inter B du Team La Gruyère. J’ai donc pendant longtemps occupé les deux fonctions, chose qui était parfois compliquée à gérer. Je me suis lancé là-dedans car le FC Bulle demandait à ses juniors d’arbitrer les équipes de E et F le samedi matin. J’y ai immédiatement pris goût et ai demandé à être inscrit au cours d’arbitre débutant. J’y suis allé, et m’y suis de suite senti à l’aise. Je suis aujourd’hui « Candidat 1ère ligue ». C’est le statut qui nous est donné lors de notre première saison en 1ère ligue.
J’ai toujours été mauvais perdant, ou mauvais stagnant on pourrait dire. Je n’avais pas envie de me lancer pour me lancer, de siffler de temps en temps et voilà. C’était un moyen de me dépasser, de me prouver que j’étais capable de grimper dans la hiérarchie. Dès le début, en Juniors C, nous sommes suivis par un « parrain ». C’est lui qui nous donne les trucs et astuces lors de nos premiers matchs. Si tout se passe bien, on passe directement aux Juniors B, et ainsi de suite. La récompense de monter un échelon nous donne toujours envie d’aller chercher celui au-dessus.
Parle-nous un petit peu des facettes du rôle d’arbitre ? Par exemple, comment « prépares » tu les matchs que tu vas diriger ? À quoi portes-tu une attention particulière, as-tu des habitudes, etc. ?
La préparation, c’est tout le temps ! La saison est longue, les pauses sont courtes ou remplies de matchs amicaux, nous devons toujours être prêts. Cependant, plus les week-ends avancent, plus nous connaissons les équipes. Personnellement, je jette un coup d’œil au classement avant le match sans jamais trop m’y attarder. Les statistiques montrent beaucoup de choses, mais ce n’est pas forcément la réalité du terrain. Nous devons être prêts à toute éventualité et ne pas entrer dans un match en ayant l’assurance que le meilleur classé va remporter la partie.
La plupart du temps, les trajets le jour du match se font en train. Dès que possible, nous essayons de nous arranger pour aller en trio. Il est plus agréable de discuter avec ses assistants et de partager les expériences du week-end précédent entre nous que de faire quelques heures de train seul. L’organisation fait déjà partie de la préparation de match.
Pour le match en lui-même, j’ai mes petites habitudes. Je suis un « homme de crèmes ». Baume du tigre sur les jambes, Perskindol dans le dos mais encore et surtout un petit coup de Vicks VapoRub sous les narines et sur le torse. Ce sont des petites choses que j’ai faites une fois, sûrement une simple coïncidence mais j’avais fait une belle prestation, et c’est devenu une habitude.
Le carton jaune dans la poche droite, le rouge dans la poche arrière. J’ai eu le malheur de changer une fois et de mettre le carton jaune dans la poche sur le torse, lorsqu’il a fallu sortir le premier carton du match, je ne l’ai pas trouvé du premier coup. Cela m’a décrédibilisé, déconcentré et je n’ai pas fait un bon match. Ces habitudes me permettent d’entrer et de rester dans mon match de la première à la dernière minute.
Le rôle d’arbitre comprend d’énormes responsabilités. Comment arrives-tu à faire la part des choses vis-à-vis des décisions, parfois délicates, que tu dois prendre ?
Notre devoir est de faire respecter les lois du jeu. Nous devons également protéger l’intégrité physique des acteurs d’une partie, le tout en ayant un point de vue objectif. Les décisions doivent être prises en une fraction de seconde, depuis un angle de vue. Il faut du courage pour siffler un pénalty ou pour avertir un joueur. C’est avec l’expérience que nous prenons confiance en nous et que nous apprenons à oser prendre ces décisions importantes, même si elles ne font parfois pas plaisir à l’une ou l’autre équipe.
Nous faisons partie du jeu. Au même titre qu’un attaquant qui manque son face à face avec le gardien, nous pouvons nous tromper. C’est en étant conscient de cela que nous progressons. L’important est toujours de se donner à 100%, de n’avoir aucun regret à la fin d’une rencontre.
On sait que tu as par exemple déjà eu l’occasion d’arbitrer une finale de BCF Cup (Coupe Fribourgeoise). Quels ont été les moments forts de ta carrière d’arbitre jusqu’à aujourd’hui ?
Cette finale était un cadeau de dernière minute. Je n’étais pas prévu pour siffler. L’arbitre convoqué s’était blessé la semaine d’avant. Lorsque j’ai reçu le coup de fil de Robert Raia (ndlr: ancien président de la commission des arbitres de l’AFF), j’ai tout de suite accepté. C’était la récompense de ma belle année à l’ASF. Je me savais d’ores et déjà promu en 2èmeligue inter, mais cette rencontre était la cerise sur le gâteau. L’ambiance autour du terrain, l’enjeu du match, tout était réuni pour en garder un souvenir impérissable. Avec Cédric Dumont et Stefano Zamblera, nous étions heureux de faire de la bonne publicité à la fonction d’arbitre.
J’ai également eu l’occasion, quelques semaines plus tard, de diriger un 32ème de finales de Coupe Suisse. Là aussi, une ambiance de dingue autour du terrain. J’en garde un excellent souvenir. C’était une rencontre où j’étais assisté de Philipp Scherzer et Gian-Luca Schenk, deux amis fribourgeois avec qui j’ai gravi la pyramide du football suisse, c’était superbe de partager cela avec eux.
As-tu des anecdotes à nous raconter ?
Le tout premier match de ma carrière, je devais arbitrer les juniors C du FC Vuadens sur la magnifique pelouse des Colombettes. Vers l’un des poteaux de corner, une énorme flaque d’eau s’était formée avant la rencontre, le terrain n’était objectivement pas praticable. Ne sachant pas trop quoi faire, j’ai décidé que nous allions tout de même jouer. Alors que nous allions entrer sur le terrain avec les équipes, le responsable de la commune est venu vers moi et m’a dit que nous ne pourrions pas jouer. J’ai donc dû annuler le tout premier match de ma carrière.
Quels sont les conseils que tu donnerais à un/e jeune (ou moins jeune d’ailleurs) qui souhaiterait se lancer dans l’arbitrage ?
C’est une école de vie. Je ne pense pas que je serais la personne que je suis aujourd’hui si je ne m’étais pas lancé. Prise de décision, gestion du conflit, condition physique, c’est un sport à part entière au sein du football. Je conseille aux jeunes qui souhaitent se lancer de ne pas hésiter. Ce sont des sensations auxquelles il faut goûter. Je n’aurais jamais pu arriver à ce niveau-là du football suisse en tant que joueur. C’est une excellente alternative si nous souhaitons garder un pied dans le football et que nous ne nous voyons pas grimper en tant que joueur. De plus, pas de match sans arbitre et à l’heure actuelle nous avons besoin de VOUS ! Je ne peux que conseiller les gens de s’informer sur les démarches et d’aller jeter un œil au site www.deviensarbitre.ch. Le système en place est fait pour que les gens, jeunes et moins jeunes, puissent progresser rapidement. Il y a un bon suivi et de bonnes structures en place, tant au niveau régional qu’au niveau suisse.
Quels sont tes objectifs (court et/ou moyen et/ou long terme) et que peut-on te souhaiter pour la suite dans ta vie footballistique et privée ?
J’arrive au terme de ma première saison en 1ère ligue. J’ai encore le statut de candidat. J’espère avoir obtenu les résultats suffisants pour être confirmé dans cette division. Si tel est le cas, j’en serai déjà extrêmement fier. Je n’aurais jamais imaginé être actif à ce niveau-là lorsque j’ai débuté ma carrière. Pour la suite, je vais donner mon maximum pour tenter d’être promu en 1ère ligue promotion pour la saison 25/26. C’est comme partout, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. J’ai la volonté d’y arriver et je pense en avoir les capacités. Il ne faut pas se voir en finale de Champions League. Ce n’est qu’en se fixant des « petits » objectifs que nous pouvons les atteindre et être motivés à attaquer le suivant.
A titre privé, je me sens bien où je suis actuellement, j’ai un job qui m’offre beaucoup de liberté, beaucoup de responsabilités, où j’ai contact avec les gens, c’est très plaisant. D’ailleurs, si vous n’avez pas encore pensé à votre prévoyance…
Propos recueillis par Lucas Panchaud